CAMEROUN: POURQUOI NOUS CONSIDÉRONS DÉSORMAIS LE JOURNALISTE ANCIEN DG DE LA CRTV, AMADOU VAMOULKÉ, COMME UN PRISONNIER POLITIQUE?

CAMEROUN: « RÉPUBLIQUE DE SCANDALES » ET ÉTAT CRIMINEL

#JusticePourMartinezZogo Stop à une solidarité Ekang-Beti du Crime!

Gare à la mémoire sélective au relent tribaliste!

Désolé d’avoir à vous le rappeler parce que certains d’entre-nous en portent indirectement les séquelles, les victimes de la justice expéditive sous la dictature quarantenaire de Paul Biya n’ont pas toujours été uniquement des Bamilékés.

Ce furent même souvent des personnalités issues de son ère géographique…à l’instar de la condamnation expéditive dès 1997 de Titus Edzoa et Thierry Michel Atangana, Pierre Désiré Engo en 1999, Lydienne Yen Eyoum, Marafa Hamidou Yaya (2012), Jean-Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena Awono, Achille ZOGO ANDELA, AMADOU VAMOULKE, etc …sous de fallacieuses accusations de détournements de deniers publics.

Tous ces infortunés ont comme point commun d’avoir en plus été reconnus victimes des détentions arbitraires par les instances internationales comme le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU ou de l’UA dans une certaine indifférence générale des Camerounais, enfermés qu’ils sont dans une logique ethno-tribale voire tribaliste.

Gardons-nous pour une fois de sombrer dans un manichéisme ethno-tribal lorsque nous dénonçons légitimement une Justice aux ordres indéniablement orientée et même manipulée dans l’affaire Martinez Zogo.

Nous avons heureusement répertorié et documenté toutes ces détentions arbitraires, y compris des militants et sympathisants du MRC, des activistes anglophones etc…, et saurons nous en servir comme des chasseurs de Nazis sans aucun parti pris ni mémoire sélective.

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MARTINEZ ZOGO: LUI, PRÉSUMÉ COUPABLE.

Par Me Emmanuel Simh

Il y a comme ça, des choses que nous semblons découvrir.

Et dont nous devenons tous spécialistes.

J’entends ici et là, à temps et à contre-temps, cette expression star de l’heure: PRÉSOMPTION D’INNOCENCE.

Qu’elle est précieuse, qu’elle est belle, cette présomption d’innocence!

Elle aurait été aussi précieuse, aussi belle pour toi, Martinez!

Tu aurais tellement aimé qu’elle te soit appliquée, cette trouvaille!

Que neni, malheureusement.

Eux, ils ne t’ont laissé aucune chance. Aucune.

Ils t’ont arrêté, sans mandat.

Ils t’ont entendu, ou pas, sans ton avocat.

Ils t’ont jugé, hors prétoire.

Ils t’ont condamné, sans recours possible.

Ils t’ont exécuté, sans ta dernière volonté.

Et eux, ils sont présumés innocents.

Toi, tu n’auras été qu’un présumé coupable.

Pendu haut et court.

Un mois après ta disparition et ta mort, il n’y a que des présumés innocents.

Un mois plus tard, rien.

À part cette présomption.

À part ce vide. À part cette clairière sinistre.

Justice pour toi, Martinez.

Me Emmanuel Simh

 

Le Comité de libération des prisonniers politiques – CL2P

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AMADOU VAMOULKÉ, UN PRISONNIER POLITIQUE

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M. Amadou Vamoulké, journaliste et ancien DG de la Cameroon Radio and Television (CRTV), est un homme dont la réputation d’intégrité et d’honnêteté est établie au Cameroun mais aussi à l’international où il bénéficie de nombreux soutiens dans le cadre d’une campagne de libération associant des figures aussi prestigieuses que M. Hervé Bourges ainsi que les dirigeants actuels ou anciens de TV5 Monde, Radio Canada, Radio France, URTI, RFI et d’autres organismes audiovisuels publics africains (Nigéria, Bénin, Burundi, Tunisie, Tchad, …). Même des personnalités camerounaises, bravant parfois leur devoir de réserve et les représailles officielles (ambassadeurs, magistrats, juristes, banquiers, entrepreneurs, ingénieurs, comédiens, journalistes, …) ont signé la pétition en ligne puis témoigné ouvertement en faveur de sa libération.

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C’est dire si notre organisation a pris le temps et le recul nécessaires pour parvenir à la conclusion que M. Amadou Vamouké est bel et bien un prisonnier politique dans le contexte de négation systématique et d’instrumentation récurrente de la justice à des fins politiques dans ce pays.

Pourquoi considérons-nous M. Amadou Vamoulké comme un prisonnier politique?

M. Vamoulké est «injustement emprisonné depuis le 29 juillet 2016 à la Prison Centrale de Kondengui à Yaoundé (Cameroun), principalement pour des faits supposés de malversation qui n’ont rien à voir avec de l’enrichissement personnel». À ce jour sa situation correspond principalement à deux des critères objectifs édictés par notre organisation au moment de sa création (http://www.cl2p.org/presentation/), à savoir:

1-Lapersonne soutenue a été reconnue par les organisations internationales de défense des droits de l’Homme comme étant un prisonnier d’opinion.

L’ancien directeur général de la CRTV, arrêté le 29 juillet 2016 est soutenu par le Comité international pour la libération et la réhabilitation d’Amadou Vamoulké (CIRLAV), l’Alliance internationale pour la défense des lois et des libertés (AIDLL) et le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), entre-autres . Tous ces organismes considèrent Amadou Vamoulké comme un prisonnier politique, mieux, un otage politique. Journaliste, Amadou Vamoulké bénéficie également du soutien de Reporters Sans Frontières (RSF) qui demande sa libération immédiate.

2-Le justiciable fait face à une multiplication de procédures, dans une sorte de procès à tiroirs dont le seul but est de le maintenir en détention sans motif valable.

L’ancien directeur général de la CRTV est au centre de deux affaires : l’une dans laquelle il est accusé du détournement de près de 3 milliards de F CFA. Depuis fin août 2017 que le procès s’est ouvert, la cause a déjà fait l’objet d’une dizaine de reports devant le Tribunal Criminel Spécial (TCS) à Yaoundé). L’autre contentieux porte sur une affaire décousue de détournement de 25 milliards de F CFA. Amadou Vamoulké est lié sur cette accusation à 8 autres ex-cadres de la CRTV détenu depuis le 8 février 2018 à la prison centrale de Kondengui.

Curieusement et comme le souligne Reporters Sans Frontières (RSF) dans son communiqué du 23 novembre 2018, deux ans et quatre mois après l’arrestation de l’ancien dirigeant de la Cameroon Radio Television (CRTV), aucun élément probant n’a été fourni par l’avocat général pour justifier les poursuites et son maintien en détention provisoire. Vamoulké est poursuivi pour détournement de fonds publics, non pas à des fins personnels, mais au profit de la chaîne de télévision publique qu’il a dirigée entre 2005 et 2016. Il ne s’est jamais vu opposé aucun rapport d’audit, le moindre témoin qui puissent appuyer ces accusations durant les 14 audiences qui se sont tenues à ce jour et qui n’ont duré qu’une poignée de minutes.

Photos: à gauche MM. Amadou Vamoulke (dans sa cellule carcérale), à droite son successeur et bourreau à la direction générale de la CRTV, Charles Ndongo

Nous retrouvons là la matérialisation de la faillite du système judiciaire camerounais que nous décrions depuis deux décennies dans une certaine indifférence générale. En effet, dans une démocratie, la justice est une grande institution qui joue à la fois le rôle de contre-pouvoir et de régulation sociale. Instrumentalisée, la justice camerounaise a failli à cette mission essentielle. Elle est devenue un instrument de répression politique. Les règles de la procédure pénale universellement reconnues et incluses dans la loi camerounaise ont été régulièrement bafouées et sans états d’âme. Dans le cas Vamoulké on est clairement face aux pratiques maintes fois dénoncées pour les autres prisonniers politiques, dont

  • La pratique de la disjonction de procédure par les juges d’instruction. Cela leur permet de saucissonner un dossier pour le renvoyer par petits bouts devant le tribunal spécial, ici le Tribunal Criminel Spécial. Résultat, le justiciable se trouve confronté à une multitude de procès programmés de manière à le maintenir indéfiniment en détention.

  • La détention qui devient la règle et non ce qu’elle doit être, une exception, et se double d’un refus systématique de mise en liberté provisoire.

  • Les délais de détention préventive et de jugement excessivement longs, la multiplication des renvois qui font durer les procès sur plusieurs années.

  • Une théâtralisation à outrance de l’arrestation puis de la détention avec le déploiement de dizaines de policiers et devant les caméras de la télévision, puis la violation de l’intimité carcérale du prévenu dans le seul et unique but de l’humilier.

  • L’institutionnalisation d’une véritable présomption de culpabilité directement inspirée et orchestrée par le pouvoir exécutif.

C’est pourquoi nous exigeons purement et simplement la libération immédiate du journaliste ancien directeur général de la Cameroon Radio Television (CRTV), Amadou Vamoulké, qui est un prisonnier politique.

Vamoulke ou la vengeance des baronnies

Amadou Vamoulke renvoi

Par Edouard Kingue

J’ai eu l’honneur de connaitre Monsieur Medouana Vamoulke. J’avais alors 18 ans. Il en avait 23. C’était l’été 73 à l’hôtel Iroquois au vieux Montréal. La trajectoire des finissants de l’Esijy passait par le Québec. C’était un garçon paisible. Sérieux. Plus tard, bien plus tard, il est nommé Directeur de l’Imprimerie Nationale de Yaoundé, ancienne Imprimerie impériale crée à Buea par les allemands en 1909, devenu, avec l’indépendance du Cameroun, l’Imprimerie Nationale.

A la surprise de tous, il démissionne de cette coquille devenue vide en 1994 je crois. Quelques temps plus tard on le retrouve aux cotés de son ami James Onobiono comme conseiller du PDG. Le grand James est fidele en amitié. Il a beaucoup de respect pour Vamoulke qui le lui rend bien. A Sitabac, il sera également directeur de l’administration, de la logistique et des ressources humaines. Malgré les gros tangages du bateau en proie aux attaques des requins, les trahisons internes et externes, il est resté aux cotés du capitaine dans un bateau balloté par une mer houleuse…jusqu’en 2005.

Voici maintenant Amadou Vamoulke nommé DG de la Crtv en remplacement d’un iconoclaste éclairé. La succession est difficile. La Crtv c’est le pré-carré du sérail. Mais l’intrus a la physique de l’emploi : président du Réseau de l’Audiovisuel Public d’Afrique Francophone (Rapaf) et de l’Union des Radios et Télévisions Internationales (Urti). « Rien à redire sur la compétence ou l’expérience de l’homme. Mais alors quoi ? Un penchant pour l’argent ? « Non ! », répondent instantanément ceux qui l’ont côtoyé avant et pendant son séjour à la Crtv, aussi bien dans le cadre professionnel qu’en dehors », écrit Mutations…

L’ancien rédacteur en chef du quotidien national de 1981 à 1984, doit redresser une barque truffée de baronnies qui l’attendent de pied ferme : « A l’époque, en 2005, on parle déjà de succession à la tête du pays. Et l’arrivée de quelqu’un qu’on ne contrôle pas forcément à la tête d’une entreprise considérée comme un outil de pouvoir ne fait pas que des heureux. Ce sera la première vague d’adversaires.

Il y a également ceux qui, sous Gervais Mendo Ze, bénéficiaient d’avantages faramineux qu’ils perdent avec le nouveau Dg. En réalité, à son arrivée, l’équipe est démobilisée. D’où les appels à candidature qui seront lancés pour les postes de directeurs à la suite d’un audit. « D’autres inimitiés viendront du fait que les employés sans avantages particuliers sous l’ancien Dg espéraient voir leur situation s’améliorer. Or, du fait des difficultés de l’entreprise, rien n’a pu bouger. En plus, il n’était pas dans les prérogatives du Dg de procéder par exemple à une revalorisation des salaires », précise notre source.

« Je crois que le personnel, et je leur ai déjà dit à plusieurs occasions, doit avoir un minimum de culture économique. On ne peut pas supprimer les avantages pour le simple plaisir de supprimer, ou pour être désagréable envers les gens. La science de l’économie, dit-on, c’est la science de l’allocation des ressources rares. Autrement dit, lorsque les sources sont rares, il faut les distribuer de manière optimale qui permette à l’organisation de fonctionner et de se perpétuer ». dira Vamoulke dans une interview

« Cause toujours mon gars ! Le seul critère c’est l’estomac, et les mécontentements organisés, les délations, les rapports tronqués te feront tomber »…

La gestion du Dg sera régulièrement traquée. Des missions de la Conac défilent à la Crtv sans rien trouver. Mais ceux qui en ont après Vamoulke ne se lasseront pas. Jusqu’à cette fameuse affaire de coaction avec Gervais Mendo Ze, son prédécesseur à la Crtv. Une inculpation à laquelle il ne comprend toujours rien. Tout comme il continue de s’interroger sur ce qu’il ce qu’il considère comme un acharnement contre sa personne.

L’acharnement continue même en prison : 22 renvois qui viennent s’ajouter sur une santé déclinante. L’hôpital central de Yaoundé, recommande “une évacuation dans un centre spécialisé” justifiée selon les médecins par “un plateau technique limité et la sévérité de l’affection neurologique” dont souffre le journaliste. L’hôpital américain de Paris à qui le dossier médical d’Amadou Vamoulke a été transmis pour avis estime que l’homme de 69 ans présente “un tableau déficitaire des deux membres, sévère et évolutif” qui nécessite des examens et des traitements “qui semblent difficiles à réunir sur place”.

La justice camerounaise va-t-elle laisser Amadou Vamoulke mourir à petit feu derrière les barreaux de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. Va-t-il falloir attendre un drame pour que le calvaire subi par ce journaliste qui n’a toujours pas été jugé plus de trois ans après son arrestation prenne fin?

Edouard Kingue

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Par Amadou Vamoulké, ancien directeur général de la Cameroon Radio and Television (CRTV)
Yaoundé (Cameroun), mardi 3 décembre 2019
 
«Local 131. C’est la cellule de la Prison centrale de Kondengui, à Yaoundé, devenue ma demeure depuis le 29 juillet 2016.
 
Lorsque chacun de ses dix occupants (pour 20 mètres carrés) s’est glissé sous son drap, il m’arrive, avant d’arriver enfin à trouver le sommeil, de revivre ces émotions fortes qui m’avaient étreint au lycée lorsque que le professeur d’histoire racontait la traite négrière. J’imaginais un de ces esclaves enchaînés, assis courbé dans une cale et se demandant: «Mais que fais-je ici ? Où allons-nous ? Quels Dieux ai-je pu offenser et quel prix paierai-je pour ma rédemption?»
 
L’esclave d’alors n’avait pas de réponse, pas plus que moi aujourd’hui, puisque je ne saurais me satisfaire de celle que me donne la justice de mon pays: «Détournement de deniers publics par gonflement artificiel de la Redevance Audiovisuelle» au seul profit de la Crtv que je dirigeais alors.
 
En effet, il a été établi qu’il n’y avait eu ni détournement, ni gonflement, ni perte d’argent. La Redevance audiovisuelle est un impôt destiné à financer l’audiovisuel public. Cet argent est géré par le seul Trésorier Payeur Général. Qui peut penser que, venant des bureaux de la Cameroon RadioTelevision (Crtv), j’aurais pu m’introduire dans ses services pour y manipuler ses livres comptables et ainsi «gonfler» les chiffres qui s’y trouvaient ? Eh bien, dès lors que la justice d’ici l’a admis contre tout bon sens, je ne peux que subir les plus de trois années d’emprisonnement illégal au regard de mon statut acquis d’inculpé libre.
 
Ce défaut de charges crédibles justifie le record de 24 renvois de mon procès qui ne peut se tenir valablement et qui s’apparente à une comédie… dramatique. Car, ici, la messe est dite dès lorsque vous êtes inculpé. Vous espérez à raison que la vérité si évidente à établir finira par jaillir. Ne voyant rien venir, vous vous raccrochez à l’espoir que les violations du Droit lors des différentes audiences seront dénoncées et finiront par être reconnues.
 
C’est ignorer que la justice ne repose pas sur les lois et que rien n’y changera, pas plus les délais légaux largement dépassés (détenu depuis plus de 1200 jours alors que la Loi fixe une limite de neuf mois) que les commissions illégales d’experts judiciaires qui n’en sont pas. Vous ne pouvez rêver d’aucun recours, car la Loi n’a pas prévu de procédure quand elle est violée par la justice. Vous comprenez alors que vous ne résoudrez pas la quadrature du cercle, pas plus que vos juges qui reçoivent parfois comme instruction de leur «hiérarchie» qu’ils doivent «défendre la position du ministère public jusqu’à l’absurde». On peut continuer à palabrer sur cette «justice indépendante » et sur la «séparation des pouvoirs» sensée empêcher le Garde des Sceaux de se mêler des procédures judiciaires.
 
Quel cynisme il faut avoir pour m’empêcher d’aller me soigner à l’étranger alors même que les spécialistes camerounais et étrangers ont souligné l’extrême gravité de la neuropathie sévère dont je souffre désormais ? Ces mêmes experts ont demandé mon évacuation sanitaire compte tenu de l’absence des infrastructures nécessaires au Cameroun et du risque avéré de paralysie. C’est encore sans doute la “hiérarchie ” qui a décidé le 28 novembre de me priver non seulement de ma liberté mais aussi de toute l’assistance sanitaire dont j’ai un besoin urgent. Le Tribunal a encore dû se résoudre à «obéir» au mépris de la Loi et à rejeter ma demande de mise en liberté provisoire, qui s’imposait pourtant sur les plans humanitaire et juridique.
 
Dès lors, à quoi bon invoquer, comme l’ont souligné mes avocats, la longue liste de “criminels” condamnés et libérés pour raisons médicales ? Vous avez dit “deux poids deux mesures” ? Vous vous demandez alors pourquoi cette justice broyeuse de vies, qui accable des personnalités de haut rang frappées de peines d’emprisonnement pour des durées entre 10 ans et 50 ans: Premier ministre, secrétaires généraux de la présidence de la République, ministres, recteurs d’université, DG d’entreprises publiques, préfets, maires, comptables publics. Pour ma part, je continue à m’interroger sans cesse sur l’acharnement dont je suis la victime. Ma carrière ne peut en être la raison, car mes collaborateurs, mon environnement, ma famille, tous plaident en ma faveur, mettant en avant ma probité et mon intégrité. Mais à quoi bon vouloir plaider ?
 
Le président Paul Biya pourrait lui-même témoigner en ma faveur puisque c’est à lui que j’ai écrit dès ma nomination pour refuser d’hériter du salaire de mon prédécesseur, que je trouvais indécent et que j’ai ainsi pu diviser par quatre. Si ce n’est ma carrière, alors quoi??? N’entrevoyant aucune raison crédible, je ne peux qu’en livrer en vrac quelques-unes, sans ordre hiérarchique : «il est hautain » (police, renseignement) ; il n’a rien à faire à la Crtv» (un ministre) ; «il a montré à la télévision la fille du président de la République en tenue légère» (vidéo montage réalisé à mon insu pour décider le chef de l’Etat à me démettre) ; «il a écarté l’entreprise de la fille du conseiller judiciaire du Chef de l’Etat de la Crtv» (ce qui est vrai, pour des raisons objectives) ; «il n’est pas fiable» (comprendre «contrôlable»), etc.
 
Il est vrai que j’avais veillé à ce que le professionnalisme ne soit pas trop sacrifié aux autres considérations incontournables. J’ai ainsi toujours veillé à placer le curseur, notamment éditorial, le plus près possible de l’équilibre sans prendre le risque d’allrr trop loin pour ne pas tout briser. Malgré les contraintes (pressions), je pense avoir réussi à réconcilier le public avec sa radio-télévision publique qui doit se situer «au cœur de la Nation», un slogan que j’ai conçu et forgé pour la Crtv. Il est aussi vrai que j’avais signé, en tant que président de l’Union des Journalistes du Cameroun(UJC), un mémorandum directement adressé au Gouvernement pour demander rien de moins que la libéralisation du paysage audiovisuel ainsi que la dépénalisation des délits de presse. Ces actions m’ont valu de fortes pressions et ont bâti une réputation d’électron libre, c’est-à-dire, dans le contexte national, d’une personnalité indésirable !
 
Aujourd’hui encore, par naïveté ou bien par confiance dans le devenir de mon pays, je n’arrive pas à admettre que tout cela puisse justifier l’acharnement judiciaire, mon emprisonnement illégal ainsi que le traitement inhumain dont je suis la victime. Je suis en effet privé d’examens et de traitement médical adaptés à ma neuropathie sévère récemment diagnostiquée et pour laquelle je reste privé de tous soins, au risque de perdre l’usage de mes membres inférieurs. J’ai bien conscience qu’exposer aujourd’hui ouvertement la prise en otage de la justice de mon pays n’est pas de nature à émouvoir les acteurs incriminés qui se croient encore inébranlables. On prête ainsi à l’un deux, habitué des propos truculents, d’avoir dit «Si vous m’attendez au jugement dernier, sachez que je n’y viendrais pas».
 
Je voudrais continuer à espérer que ces paroles d’un penseur du XlXème siècle nous apparaîtront un jour comme une vérité dont il ne faut pas trop s’éloigner: «la vérité se venge, et quiconque la hait ou la méprise, tôt ou tard sera sa proie».
 
Amadou Vamoulké, Prisonnier politique camerounais
 
Amadou Vamoulké Sébastien Nadot

Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques -CL2P

cl2p

http://www.cl2p.org

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